A leur mort, les taureaux Apis sont enterrés avec tous les honneurs dans la nécropole de Saqqarah, dans un cimetière qui leur est réservé et qui est connu sous le nom de serapeum. Enfoui pendant des siècles sous le sable du désert libyque, le site a été découvert en 1851 par le français Auguste Mariette. Ce dernier inaugure ainsi de manière spectaculaire sa brillante carrière d'archéologue en Egypte.
Apparu à Memphis dès le début de l'histoire égyptienne, vers 3100 av. J.-C., Apis est un dieu-taureau. Le clergé l'assimile rapidement au dieu Ptah, patron de la ville et l'une des principales divinités du panthéon égyptien. Apis devient alors une image vivante de Ptah sur la Terre. Il donne asile au ba du dieu, au même titre que la statue divine enfermée dans le sanctuaire du temple.
Le nouvel Apis naît d'une vache vierge.
Il existe qu'un seul taureau Apis à la fois. D'après la mythologie, il est engendré par une vache vierge fécondée par le dieu Path lui-même. Lorsque arrive le moment de remplacer l'Apis qui vient de décéder, les prêtres examinent soigneusement chacun des candidats à sa succession, à la robe obligatoirement noire, pour y déceler les signes qui désignent sans doute possible le nouvel Apis. Il s'agit d'une tache blanche triangulaire sur le front, de marques en forme d'ailes de faucon sur le pelage, d'une trace placée sous la langue évoquant un scarabée ainsi que des poils doubles sur la queue.
Le nouvel Apis est ensuite conduit dans un enclos aménagé dans l'enceinte du grand temple de Ptah à Memphis, où il est entouré d'un harem de vaches. Comme la statue divine, il reçoit un culte consistant en apport d'offrandes et en récitation d'hymnes et de prières. Richement paré, il participe à des processions lors des fêtes religieuses. L'animal fait en outre accourir les fidèles pour ses oracles, qui comptent parmi les plus recherchés d'Egypte.
La momification a lieu à Memphis.
A sa mort, le taureau Apis est traité avec tous les égards dus à un dieu. Il est conduit dans la maison de l'embaumement des Apis qui se dresse au sud-ouest du temple de Ptah, au coeur de Memphis. Le site conserve encore les grandes tables de calcite, protégées par des lions sculptés, sur lesquelles les prêtres procèdent à la momification - travail qui dure soixante-dix jours. Ils n'extraient pas les viscères en incisant l'abdomen, mais en les retirant par l'anus. Ils recouvrent ensuite le corps de natron pour le dessécher. La momie est finalement entourée de bandelettes et de linceuls, puis ornée de bijoux. Sa tête est couverte d'un masque en stuc.
Les funérailles sont dignes d'un dieu.
Guidé par les prêtres, un long cortège prend la direction de la nécropole de Saqqarah, où se trouve le serapeum. De l'encens aux vertus purificatrices brûle dans des cassolettes, en tête de la procession. Comme pour l'enterrement des dignitaires, des pleureuses sont louées pour déplorer la perte du taureau. Elles poussent des cris stridents et jettent de la poussière sur leurs cheveux.
Parvenus devant la tombe, les prêtres accomplissent une ultime cérémonie : l'Ouverture de la bouche. Avec une herminette et divers autres instruments (dont un outil en forme de doigt), ils touchent symboliquement la momie à la hauteur de la bouche et du nez. Grâce à ce rite magique, le taureau retrouvera ses fonctions vitales : il pourra de nouveau respirer et s'alimenter dans l'Au-delà. Désormais, il ne reste plus aux prêtres qu'à déposer l'Apis mort dans son cercueil et à le laisser profiter de sa vie éternelle. Son repos, comme celui des autres taureaux sacrés, sera cependant interrompu, probablement dès l'Antiquité, par des pilleurs qui ont violé les sépultures pour s'emparer des somptueux bijoux qui ornaient les momies.
Le serapeum est un cimetière souterrain.
Les plus anciennes sépultures d'Apis découvertes sur le site du serapeum remontent au règne d'Aménophis III (1388-1351 av. J.-C.). Il s'agit de tombes individuelles creusées dans la roche du plateau. On ignore où ces animaux sacrés étaient ensevelis précédemment. A partir du règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), les taureaux bénéficient de tombes aménagées dans ce que l'on appelle aujourd'hui les "petits souterrains".
En 612 av. J.-C., à la fin du règne du roi Psamménique Ier (XXVIe dynastie), sont inaugurées les grandes catacombes qui sont restées en usage jusqu'à la conquête romaine, en 30 av. J.-C. De part et d'autre d'un long et large couloir souterrain sont disposées vingt-huit chambres servant de caveaux aux taureaux Apis. Au centre de vingt-quatre des vingt-huit pièces s'élève un sarcophage de pierre - du granite, du basalte ou du calcaire - dont le poids atteint près de soixante-dix tonnes. Une fois le taureau déposé dans son sarcophage, la salle était définitivement murée, conformément aux coutumes funéraires qui exigeaient que le caveau soit condamné. Des stèles dédiées par les fidèles - qui adressaient un voeu à l'animal sacré inhumé à cet endroit ou qui recherchaient sa protection - étaient ensuite scellées dans la paroi.
Quand Auguste Mariette découvre les "grands souterrains" le 12 novembre 1851, il ne retrouve aucune momie. Victimes des voleurs, toutes les dépouilles ont disparu. Mais l'archéologue recueille des centaines de stèles votives riches d'enseignements pour l'histoire du serapeum. Mariette a plus de chance avec les "petits souterrains" : non profanées, ces galeries conservent encore vingt-huit momies d'Apis et la tombe intacte du prince Khaemouaset, fils de Ramsès II et grand prêtre de Ptah à Memphis.
Source : Mythologie, éditions Atlas, 2003.