
Vaches, taureaux, béliers, gazelles, babouins, faucons, ibis, chiens, chats, musaraignes, mangoustes, scarabées, scorpions, serpents, crocodiles ou encore poissons : la liste des animaux momifiés est longue. Même les oeufs d'oiseaux ou de reptiles ne sont pas épargnés ! Une véritable frénésie de momification s'empare des Egyptiens à partir de la Basse Epoque, constituant un phénomène nouveau dans l'histoire de l'Egypte.
Au Ier millénaire av. J.-C., l'Egypte subit une série d'invasions et de dominations étrangères. Les règnes glorieux des Thoutmosis, des Aménophis et des Ramsès ne sont plus qu'un lointain souvenir. Les habitants de la vallée du Nil se réfugient dans la religion, qui leur apporte apaisement et réconfort et, pour solliciter leurs dieux, ils choisissent les animaux comme intermédiaires.
Longtemps, la momification ne concerne que quelques animaux.
Les Egyptiens éprouvent un tel attachement pour leurs bêtes qu'ils les emportent dans l'Au-delà. Ainsi, un dénommé Hapymen, inhumé à Abydos, demande que la momie de son chien soit placée dans son cercueil. Le prince Thoutmosis, affligé par la perte de sa chatte qui répond au doux nom de Miou, lui dédie un sarcophage de pierre sculpté à son image.
Les prêtres momifient aussi les animaux sacrés. Sur terre, les dieux s'incarnent non seulement dans la statue divine enfermée dans le sanctuaire, mais aussi dans un animal. Ainsi, le taureau Apis de Memphis, choisi selon des critères bien précis, est investi par le dieu Ptah. A sa mort, il est momifié et enterré dans la nécropole de Saqqarah, d'abord dans une tombe individuelle, puis dans une galerie collective. Horus d'Edfou est quant à lui représenté par un faucon qui est renouvelé tous les ans. Il existe un seul animal sacré pour chaque dieu, sauf si celui-ci se manifeste à travers deux espèces différentes, comme Thot, qui est associé à l'ibis et au babouin.
Les momies animales délivrent le message des vivants.
A la Basse Epoque, aux abords des temples, les prêtres élèvent à grande échelle des animaux (notamment des chats, des chiens et des oiseaux) avant de les momifier pour les vendre aux fidèles et aux pélerins. Ces derniers les offrent à un dieu pour le remercier d'avoir exaucé un voeu ou pour lui demander une faveur. Ainsi les momies animales font-elles office d'ex-voto au même titre que les figurines de bronze sculptées à l'image du dieu avec lequel on souhaite communiquer. L'animal dépêché dans l'Au-delà délivrera à la divinité concernée le message qui lui a été confié. Contrairement aux animaux vivants adorés dans les temples, ces momies ne sont pas sacrées, mais elles font l'objet d'un grand respect.
Les prêtres respectent un rituel précis.
Les radiographies de momies de chats ont montré que, bien souvent, les bêtes ne sont pas mortes naturellement. En effet, leur cou a été brisé ou leur crâne fracturé. Les prêtres les ont donc étranglées ou brutalement assommées. Quant aux volatiles, ils semblent avoir été pongés dans une résine liquide qui leur ôtait la vie tout en les momifiant.
Les scientifiques ont constaté que les taureaux sacrés de Ptah ne sont momifiés dans les règles de l'art qu'à partir de la Basse Epoque. Les officiants placent dès lors le corps sur une vaste table d'embaumement en calcite et lui ôtent les viscères, qu'ils traitent séparément avant de les déposer dans de gigantesques vases canopes. Comme les humains, le bovidé est ensuite recouvert de natron, qui déshydrate lentement les chairs. Une fois la dessiccation achevée, il est enveloppé de bandelettes et d'un linceul avant d'être placé dans un sarcophage aux dimensions imposantes.
Quant aux poissons, les prêtres les vident et les bourrent de sable ou de boue pour conserver leur forme. Peut-être sont-ils recouverts de natron avant d'être entourés de bandelettes.
Les prêtres sont aussi des artistes.
Si les bandelettes de certaines momies sont grossièrement enroulées en spirale, d'autres sont entrelacées de façon à dessiner de complexes motifs géométriques. Sur la tête dont la forme a été reconstituée, les embaumeurs peignent des yeux, une bouche, un nez ou des ouïes. Selon les ressources de l'acheteur, la momie est ensuite glissée soit dans une poterie, soit dans un sarcophage de pierre ou de bois plus ou moins sophistiqué. Il n'est pas rare que trois ou quatre momies d'ibis se partagent la même jarre en terre cuite.
Les animaux momifiés ont leurs propres nécropoles.
A travers toute l'Egypte, les animaux sont enterrés par espèces dans des cimetières. Il arrive aussi que plusieurs espèces soient regroupées. Les nécropoles se composent de galeries souterraines qui s'étendent parfois sur plusieurs kilomètres et abritent jusqu'à un million et demi, voire deux millions de momies.
A Saqqarah, la plus vaste nécropole d'Egypte, les animaux se comptent par centaines de milliers. Outre les taureaux Apis ensevelis au Sérapeum, le site abrite les vaches qui ont donné naissance à chacun de ces boeufs sacrés, des chats qui ont été serrés les uns à côté des autres dans la falaise du Bubasteion, des ibis et des faucons.
Dans la ville de Bubastis, à l'est du Delta, une nécropole est réservée aux innombrables chats offerts à la déesse Bastet. A Tounah el-Gébel, cimetière d'Hermopolis, ibis et babouins partagent des cercueils encastrés dans des niches creusées dans les parois. Dans le sud de l'Egypte, à Esna, la nécropole animale est remplie de momies de perches du Nil.
Source : Mythologie, éditions Atlas, 2003.